« Nous avons digitalisé le marché de l’intérim »

Interviewé par Le Figaro dans le cadre du programme Talk Décideurs, Étienne Colella, président de PIXID, évoque le développement du Groupe, l’évolution du marché de l’emploi et son parcours d’entrepreneur.

 

J’accueille aujourd’hui Étienne Colella qui a fondé PIXID il y 15 ans, une gigantesque plateforme pour les agences intérim sur le web. 

PIXID c’est quoi exactement ? 

En deux mots, c’est la digitalisation entre un client et ses agences d’intérim. On a commencé cela il y a 15 ans, on est parti de rien et aujourd’hui quasiment 1/3 du marché français passe par nos services. 

Qui l’utilise ? 

Ce sont des entreprises, des PME aux très Grandes Groupes, qui vont tous les jours avoir besoin d’intérimaires sur le territoire français et qui vont, auprès de leurs 8 000 agences intérim, effectuer l’ensemble des démarches quotidiennes, c’est à dire envoyer des demandes, recevoir des CV, signer des contrats, etc.

Toute la partie administrative et également la partie recherche de candidats. L’ensemble de la chaine, de trouver le bon talent à la gestion des factures.

Vous parlez d’intérimaires mais vous englobez aussi les freelances ? Toutes ces nouvelles formes d’emploi ?

Absolument, nous avons commencé par le monde de l’intérim et aujourd’hui nous avons étendu nos services à la fois aux CDD, qui sont une grande forme d’emplois flexibles en France, et aussi aux freelances, où on démarre pour le moment. 

En 15 ans d’activité, est-ce que vous avez tenu vos promesses ? Vous en êtes où aujourd’hui par rapport à ce que vous vouliez faire au départ ? 

On va même plus loin ! Au départ, c’est toujours un pari de créer une entreprise. On a eu 5 années très difficiles avec, en 2009, une crise importante, le marché de l’intérim perd 40% en un trimestre. A ce moment, nos services commencent à être relativement diffusés auprès d’un certain nombre de grands groupes et d’agences. Surtout, le mot « Cloud » n’est plus un mot vulgaire : on peut aller voir une entreprise et lui dire « vous allez mettre vos données dans le Cloud » ! Dès nos débuts en 2005, on proposait également de la signature électronique des contrats. 

J’ai lu qu’à vos prémisses, il y a 15 ans, vous aviez présenté votre projet et qu’une personne d’influence s’est levée pour dire que ça ne marcherait jamais. En tant qu’entrepreneur qu’est-ce que l’on ressent ? 

C’était un acheteur intérim d’un très grand groupe français, potentiellement un client pour nous. Evidemment, quand on vient de lancer sa société et que l’on se retrouve avec ce type d’avis, on a trente secondes difficiles et on sait que, de toute façon, ça va être comme ça pendant un certain temps.

Le temps de casser les codes. C’était manifestement la peur du changement ?

C’était d’abord des nouveaux services qu’ils ne comprenaient probablement pas, c’était peut-être aussi un changement dans la façon dont il pouvait gérer ce dont il était responsable. On a tous peur du changement, moi le premier. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus facile. Ce qui est plus étonnant lorsque l’on créé quelque chose de rien, c’est quand les gens connaissent votre nom. On n’a pas fait Ventes Privées ou Blablacar mais quand dans un dîner on vous dit « moi je connais PIXID », on se dit qu’on a fait quelque chose !

Quels conseils donneriez-vous à un entrepreneur qui pourrait être découragé comme ça de manière frontale ?

Je pense que, déjà, tous les entrepreneurs ont compris qu’il ne fallait pas se décourager. Tous ceux qui réussiront un jour, peut-être pas aujourd’hui mais demain, ont viscéralement confiance dans le fait qu’ils vont réussir. Ils savent qu’à un moment, ça va passer. Ce que j’ai appris de mon expérience c’est qu’il faut du temps et qu’il faut de l’argent. Vous avez besoin de ce temps, surtout en France qui n’est pas un pays facile à convaincre mais qui aime l’innovation et le changement. Il vous faut de l’argent pour avoir ce temps d’embaucher les gens dont vous avez besoin, de créer les produits, de les présenter. Je trouve que beaucoup d’entrepreneurs ne sont pas suffisamment financés même avec des idées remarquables. 

En 2019, le monde du travail évolue. Qu’est-ce que vous pensez-vous de ce monde du travail aujourd’hui en France ? 

Il évolue, oui et non : le pourcentage de CDI n’a pas beaucoup changé, il est assez stable. Le marché est assez flexible finalement, les mentalités bougent beaucoup. C’est au rythme de la France, ce qui est relativement positif : l’émergence de nombreuses plateformes numériques, parfois avec des règles du jeu très contestables – moi je pense que les plateformes devraient respecter les règles du jeu – se fait de façon équilibrée en France. 

Avant de fonder PIXID, vous avez passé 7 ans chez IBM et 13 ans de salariat. Cette volonté d’entreprendre était-elle déjà présente ou s’est-elle développée sur le tard ?

Elle s’est développée sur le tard. Quand j’ai démarré, c’était beaucoup moins accessible l’entreprenariat. En revanche, assez vite, j’ai compris que j’étais intéressé par les entités à taille humaine sur lesquelles on pouvait avoir un impact fort. Chez IBM, j’ai appris le métier de la vente et j’ai gardé de très bonnes relations. Mais à un moment, j’ai voulu plus d’autonomie sur ce que je pouvais entreprendre. J’ai fait un passage dans une entreprise étonnante qui est BULL où j’ai rencontré deux managers extraordinaires que sont Thierry Breton et Jean-Marie Descarpentries et où j’ai vraiment appris ce qu’est le management. C’est en découvrant cela que j’ai compris que je ferais mieux en étant seul aux commandes de quelque chose. 

Contrairement à d’autres entrepreneurs peut être, j’ai cherché un projet où il y avait des fonds et des ressources. En étant salarié, j’ai compris cette notion de temps que l’on a évoquée et j’ai cherché un projet où il y avait déjà une certaine visibilité et des fonds. On est aujourd’hui financé en partie par des « private equities » et c’est ce qui nous permet de nous développer très rapidement à l’international.

Merci Étienne Colella !

L’interview est à retrouver sur la page « Le Talk Décideurs » du Figaro

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