Le Digital Services Act : impact sur les plateformes de travail

La Commission européenne a présenté un projet de règlement Digital Services Act (DSA), le 15 décembre 2020, visant notamment à assurer la transparence des plateformes numériques. Ces plateformes créent de nouveaux modes de travail, pour lesquels un équilibre entre liberté, responsabilité et protection sociale est nécessaire.

Antoine Poiron

Directeur Offres Sourcing et Partenariats

Cet équilibre est complexe à trouver d’autant plus que chaque plateforme numérique possède son fonctionnement et un degré d’interventionnisme propres. L’impact du Digital Services Act sur les plateformes de travail peut se révéler utile pour harmoniser les pratiques et responsabiliser ces acteurs. L’actualité des tribunaux en Europe laisse penser que les plateformes de VTC et de livreurs vont connaître des changements dans les prochains mois.

Le Digital Services Act dans un monde du travail transformé

Le projet de règlement européen Digital Services Act s’inscrit dans la stratégie de développement d’un marché unique numérique en Europe. Tout en favorisant l’innovation, la croissance et la compétitivité, le projet vise à instaurer un cadre solide :

  • pour assurer la transparence des plateformes en ligne,
  • pour mettre en œuvre facilement leur responsabilité.

Les règles en vigueur semblent inadaptées à l’essor des plateformes et des nouveaux modes de travail. L’Europe doit donc se doter de nouveaux outils et notamment préciser la notion de salarié et de travailleur indépendant.

En effet, les plateformes pour les livreurs et les VTC (véhicules de tourisme avec chauffeur), comme Uber ou Deliveroo, se révèlent très interventionnistes. La frontière entre travailleur indépendant et travailleur salarié est donc de plus en plus floue.

En Espagne, un accord signé le 10 mars 2021 entre le ministère du travail et les syndicats introduit une présomption de salariat pour les livreurs. En Italie, le parquet de Milan exige la régularisation de 60 000 livreurs refusant de les considérer comme des auto-entrepreneurs.

En dehors de l’Europe, la Cour suprême britannique a rejeté le statut d’indépendant, préférant parler de « worker » entre salariés et entrepreneurs. Uber UK accorde désormais à ses livreurs 12 % de leurs revenus en congés payés et la possibilité de souscrire à un plan retraite. 

En France, la Cour de cassation s’est prononcée dès le 4 mars 2020, sur le lien de subordination entre un chauffeur et Uber. Elle valide ainsi la décision de la cour d’appel qui a reconnu l’existence d’un contrat de travail. Pour la Cour de cassation, l’existence du contrat de travail doit s’apprécier au cas par cas.

Des plateformes diversifiées

Le problème réside dans l’absence de modèle de plateforme unique.

Les plateformes pour freelance se multiplient autour de 3 principaux business models :

  • le modèle freemium gratuit pour le freelance ou payant pour obtenir un meilleur positionnement ou recevoir les annonces en priorité (404Works) ;
  • l’abonnement mensuel ;
  • le pourcentage sur le chiffre d’affaires (Malt, Crème de la crème).

Dans le secteur de l’intérim, de nombreuses plateformes proposent des services plus ou moins étendus : recherche de missions, mise en relation, conclusion en ligne du contrat, évaluation des missions, portail intérimaires, etc. Si certains se positionnent comme des marketplaces (Gojob, Iziwork), d’autres sont des ATS avec un jobboard comme Teamsquare.

Certaines plateformes comme LinkedIn ou Indeed font simplement de l’intermédiation quand d’autres sont plus intrusives comme Comet ou StaffMe, allant jusqu’à suggérer le tarif recommandé, adopter une notation, fixer des conditions d’utilisation strictes. Et elles deviennent pour certains travailleurs leur principale source de revenus.

Ces exemples illustrent l’éclectisme des plateformes numériques et la difficulté de légiférer pour encadrer des pratiques très diverses.

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L’impact du Digital Services Act sur les plateformes de travail

Si le règlement européen du Digital Services Act est adopté, il doit permettre d’agir au minimum sur 2 axes.

La responsabilité des plateformes

Le Digital Services Act prévoit en premier lieu de pouvoir contacter toute plateforme quelle que soit sa localisation. Ainsi, chaque plateforme doit se doter d’un point de contact unique ou d’un représentant légal à destination des autorités publiques.

Ensuite, parmi les fournisseurs de services intermédiaires en ligne, 3 types de services font l’objet d’obligations renforcées compte tenu de leur impact grandissant dans la société européenne :

  • les services intermédiaires (transport d’informations, hébergement et caching) ;
  • les plateformes en ligne ;
  • les très grandes plateformes en ligne (plus de 45 millions d’utilisateurs actifs mensuels).

Jusque-là, Uber par exemple se défendait en invoquant son simple rôle de plateforme digitale. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a considéré que l’entreprise relève bien de l’intermédiation numérique mais dans le secteur du transport. Or, le secteur des transports est géré par chaque État membre.

La protection des travailleurs

Le Digital Services Act ne répondra pas au statut des travailleurs, qui doit être analysé au cas par cas en fonction du degré d’interventionnisme de chaque plateforme. S’il semble acquis que les VTC et les livreurs voient rapidement leur statut changer, c’est sans doute moins clair pour les plateformes de freelance et de jobbing. Le risque de requalification en exercice illégal de la profession d’entreprise de travail temporaire est réel.

Si le monde du travail appelle plus de flexibilité, elle ne peut se faire sans protection sociale. Il est illusoire d’espérer une harmonisation européenne sur ce point. Il serait toutefois envisageable de profiter du Digital Services Act pour établir un socle de droits européens pour tous les travailleurs, sans distinction de statuts. N’oublions pas la liberté des travailleurs, qui choisissent souvent d’être indépendants pour la variété des missions et la liberté des horaires.

 

L’œil de PIXID

Les plateformes doivent continuer à faciliter la mise en relation entre les besoins et les travailleurs, à permettre de gagner en flexibilité et en réactivité tout en s’améliorant pour apporter un cadre réglementaire plus protecteur pour les travailleurs.

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